La médiation des contentieux environnementaux fondés sur le devoir de vigilance : difficile mais possible !

La médiation n’est pas encore utilisée spontanément dans les contentieux environnementaux fondés sur le devoir de vigilance. La médiation est pourtant efficace et permet aux demanderesses et aux entreprises mises en cause de sortir par le haut de ces contentieux complexes et sensibles du point de vue réputationnel. Dans cet article, les auteurs reviennent sur les raisons pour lesquelles la médiation est à ce jour restée anecdotique, alors qu’elle est un candidat naturel au règlement des conflits en matière de vigilance. Surtout, ils proposent des solutions concrètes pour adapter le cadre de la médiation à la particularité des litiges du devoir de vigilance.

Depuis 2017 et l’adoption de la loi sur le devoir de vigilance, les grandes sociétés doivent rédiger un « plan de vigilance » intégrant une cartographie des risques de l’entreprise et « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ». Cet exercice vise à identifier les risques directement liés aux activités des entreprises mais également ceux liés aux entreprises qu’elles contrôlent ainsi que leurs sous-traitants et fournisseurs.

Les plans de vigilance sont scrutés par les associations, notamment de protection de l’environnement1. Ils sont devenus, ces dernières années, l’un des leviers des nouveaux contentieux environnementaux2, dont le but est de contraindre les entreprises concernées à davantage prendre en compte les enjeux environnementaux ainsi que les droits humains dans la conduite de leurs activités.

Dans ce cadre, les sociétés TotalEnergies, Casino, BNP Paribas, Danone, La Poste ou encore Suez ont été assignées devant les tribunaux. Les premiers jugements arrivent au compte-goutte dans ces contentieux longs et complexes en raison notamment du caractère flou et général des textes français. En tout état de cause, à ce jour, ces jugements ne permettent pas de définir avec précision le champ du devoir de vigilance et la portée des obligations qui en résultent et maintiennent les entreprises et organisations dans une insécurité juridique préoccupante.

Cette situation pourrait encore s’accentuer en raison de la probable augmentation significative du nombre d’entreprises soumises au devoir de vigilance. La proposition de directive européenne3 pourrait en effet concerner les entreprises à partir de 250 salariés alors que la loi française ne concerne, à ce jour, que les très grandes entreprises. En outre, le champ d’application de la vigilance sera très vraisemblablement élargi4.

De plus, au-delà des contentieux, en matière d’allégations environnementales ou de « greenwashing », les enjeux environnementaux seront certainement, demain, au cœur de nouveaux contentieux entre entreprises concurrentes sur la base, par exemple, des pratiques commerciales trompeuses ou de la concurrence déloyale.

À ce titre, l’arrêt de la Cour de cassation en date du 27 septembre 20235 rendu en matière de lutte contre le blanchiment est particulièrement intéressant en ce qu’il a jugé que « le respect par une entreprise des obligations imposées aux articles L. 561-1 et suivants du Code monétaire et financier pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme engendre nécessairement pour elle des coûts supplémentaires. Il en résulte que le fait pour un concurrent de s’en affranchir confère à celui-ci un avantage concurrentiel indu, qui peut être constitutif d’une faute de concurrence déloyale ».

Il y a fort à parier que, dans peu de temps, les juges seront confrontés à des questions similaires en raison du non-respect allégué, par un concurrent, des normes environnementales.

Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur la manière dont la médiation permet de trouver, dans des délais raisonnables, des solutions opérationnelles et pertinentes afin de sortir par le haut des contentieux environnementaux fondés sur le devoir de vigilance.

Pour l’instant, la médiation des contentieux fondés sur le devoir de vigilance est restée anecdotique en raison notamment d’une certaine radicalité des postures entre associations de protection de l’environnement d’un côté et grandes entreprises de l’autre et de la complexité inhérente à la matière environnementale.

Pourtant, la médiation peut apporter des solutions inédites à ces contentieux à condition d’en aménager le cadre pour l’adapter aux spécificités de ce domaine.

Dans un monde où les enjeux environnementaux et humains prennent de plus en plus d’importance et permettent aussi aux entreprises de se différencier, la médiation apparaît particulièrement pertinente afin d’éviter des procédures judiciaires longues et complexes et, surtout, afin de s’engager sur des actions de vigilance acceptables pour l’ensemble des parties prenantes. Elle permet également de préparer la perspective du développement très probable des contentieux environnementaux fondés sur les pratiques commerciales trompeuses ou la concurrence déloyale.

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